Immersion exceptionnelle dans l'univers fascinant des parfumeurs créateurs de niche et de la confiserie florale d'exception. Itinéraire du champ de fleurs à l'atelier créatif. Parcours complet, instructif, libérateur et jubilatoire.
L'air y est plus "parfumé" qu'ailleurs, plus créatif, plus inspirant, plus passionné aussi. Aujourd'hui, c'est là que je vous emmène. À travers un parcours presque initiatique et confidentiel, je vous entraîne dans le sillage de la tubéreuse, la reine des nuits de fin d'été, la diva absolue de ce Pays de Grasse, dans lequel souffle depuis des siècles un grand et intense vent de fleurs.
Plongez avec moi dans l'univers exceptionnel et fascinant de la capitale mondiale de la parfumerie; nous visiterons ses jardins privés, le MIP - un musée unique au monde - et l'atelier de ses créateurs de niche . Libérez ensuite votre créativité et inscrivez-vous avec moi dans sa légende - comme apprenti bien sûr, il faut un début à tout -, au Studio des fragrances de Galimard.
Vous êtes prêt.e? Cap sur Grasse!
Pas le temps de lire le reportage tout de suite?
Epinglez-le pour plus tard!
Note préalable : Michel et moi avons réalisé ce voyage à l'invitation de l'Office de tourisme du Pays de Grasse, que nous tenons à remercier chaleureusement. Celui-ci nous a préparé un programme sur mesure, tenant réellement compte de notre personnalité, de nos goûts et de notre manière habituelle de voyager. Aussi s'agit-il d'un voyage qui nous ressemble tout particulièrement. J'ajoute que les propos qui suivent reflètent notre émotion sincère et relèvent d'une liberté totale d'expression.
La tubéreuse, la diva des plantes à parfum du Pays de Grasse
Son nom ne vous dit peut-être rien. Pourtant, avec la rose centifolia (la rose de mai), le jasmin et l'iris e.a., la tubéreuse, de son nom latin Polianthes tuberosa, est une des fleurs les plus prisées des parfumeurs modernes; il s'agit également d'une des plus chères au monde.
Entre gloire, désuétude et résilience, l'histoire de cette herbacée précieuse m'a particulièrement touchée. Est-ce mon histoire personnelle qui semble me connecter à elle? Au moment où j'écris ces lignes, je ne sais trop. Ce qui est certain, c'est que des hommes et des femmes ont lié leur destin à sa renaissance, avec le succès que l'on sait. Et cela m'inspire beaucoup.
Mais la tubéreuse, c'est aussi et surtout un parfum, puissant, ensorcelant, inoubliable, qui en aucun cas n'indiffère. Capricieuse, insoumise, la tubéreuse représente pour moi la version florale d'une femme moderne et libre : à la fois forte et fragile, exigeante et généreuse, souvent excessive mais toujours inspirante, lumineuse.
La tubéreuse est une diva, certes, mais que l'on respecte.
Grasse, des savoir-faire d'exception et l'UNESCO
Notre programme d’aujourd’hui est, comme la veille, particulièrement chargé et notre journée promet de belles et riches expériences.
Alors que nous descendons vers le centre historique - nous logeons dans un gîte de charme, un petit bijou insolite situé sur les hauteurs - je rêvasse un peu et me remémore les panoramas contemplés les soirs précédents: non seulement les paysages sont à couper le souffle mais la végétation luxuriante qui enveloppe la ville de Grasse est, en cette fin d'été caniculaire, plutôt surprenante.
En fait, je suis d'autant plus surprise que nous sommes déjà venus à Grasse, au début des années 2000, et que tout cela m'avait complètement échappé. Je dois bien avouer qu'à l'époque, nous n'avions fait que passer. Au diable le "fast travel"!
En fait, nous voyagions avec des petits bouts et notre attention était, disons-le clairement, fréquemment perturbée. Ma mémoire n'a donc retenu qu'un Mc Do sale - désolée, les fast foods, ce n'est pas mon truc - la boutique Fragonard où nous avions passé un bon moment, quelques jolies ruelles avoisinantes et le parking souterrain où nous avions failli arracher le coffre de toit (Vous savez, ces engins qui vous sauvent la vie quand le coffre ordinaire, qui pourtant contient cinq valises et plusieurs sacs, est décidément trop petit!)
Bref, ce jour-là, nous avions complètement oublié son existence; la rampe d'accès du parking s'est donc vue affublée d'un autographe en gomme noire, à l'esthétisme particulièrement douteux. Inutile de dire que nous n'étions pas fiers... Mais, revenons au présent!
De la route de Plascassier à Cabris, petit village perché où règne une atmosphère éminemment poétique, j'ai pu mesurer toute la richesse environnementale dont bénéficie Grasse. Car au-delà du bonheur contemplatif que procure la vue d'un coucher de soleil sur les hauteurs de la cité , une vue panoramique permet de comprendre plus aisément pourquoi la ville est devenue le berceau puis la capitale mondiale de la parfumerie.
Grasse, berceau de la parfumerie en Europe et dans le monde
Nous déambulons maintenant dans les ruelles historiques de Grasse, longeons les murs couleur soleil et, avec notre guide, nous plongeons bien vite dans l'histoire de la ville.
Face à la cathédrale Notre-Dame du Puy, nous tentons d'imaginer Grasse, telle qu'elle était au Moyen-Âge: au XIème siècle, un centre commercial important dans le secteur de la tannerie puis au XVIème, une ville spécialisée dans la ganterie parfumée. La mode des gants parfumés avait été lancée par Catherine de Médicis, par nécessité tout autant que par coquetterie, j'imagine .
En effet, après les épidémies dévastatrices de peste noire, la population française craignait l'eau. Et comme le décrit Patrick Suskind dans Le Parfum, "il régnait dans les villes une puanteur à peine imaginable pour les modernes que nous sommes". C'est donc à cette époque que naît la production des matières premières d'origine florale à Grasse.
Précisons que le terroir grassois combine un climat doux et ensoleillé avec un sol riche; il se révèle donc très favorable à la culture des plantes à parfum. Et en ces XVI ème et XVII ème siècles, la rose, le jasmin et la tubéreuse règnent en maîtres .
En particulier, la tubéreuse - originaire du Mexique, où elle parfume le chocolat des Aztèques - est très appréciée à la cour du Roi Soleil , en raison de son parfum capiteux . Chaque année au mois de mars, Louis XIV recevait apparemment 2 000 à 5 000 oignons de tubéreuses pour fleurir les parterres du Trianon.
C’est pourtant véritablement au début du XXème siècle que Grasse acquiert ses lettres de noblesse et sa renommée internationale dans la production de matières premières naturelles pour la parfumerie traditionnelle, un des piliers de l'industrie française du luxe.
Plus récemment, répondant à une demande croissante en essences naturelles de ces secteurs, les industriels grassois ont mis leur savoir-faire à la disposition des fabricants de produits d’entretien et l'industrie alimentaire.
Enfin, la création, en 2011, de l’École Supérieure du Parfum a achevé de placer la ville sur le devant de la scène mondiale de la parfumerie.
Et la tubéreuse dans tout cela? Après être tombée dans l’oubli, telle un phoenix, elle a retrouvé un second souffle, il y a quelques années à peine : cultivateur de plantes à parfum biologiques et figure bien connue de Grasse, M. Constant Viale conservait en effet les derniers bulbes de tubéreuse du territoire, jusqu’à ce que la Maison Chanel s’y intéresse.
C’est Olivier Polge, parfumeur exclusif de Chanel depuis 2015, qui signe finalement la renaissance de la tubéreuse de Grasse, en créant Gabrielle, où la précieuse fleur blanche figure en note de coeur, avec le jasmin, l’ylang ylang et la fleur d’oranger.
Considérée comme la fleur la plus parfumée du règne végétal, la tubéreuse se comporte en véritable diva. Capricieuse, la plante ne se dompte pas, elle s'apprivoise : exigeant un sol riche, bien drainé et très ensoleillé, sa majesté aux hampes blanches ne supporte pas l'à-peu-près et le jardinier doit s'en accommoder. Elle choisit son heure aussi, semble-t-il, pour répandre ses senteurs envoûtantes.
Mais peu importe sa délicatesse, ses caprices, son faible rendement et son prix, le parfum capiteux, poudré et sensuel de la tubéreuse séduit à nouveau de nombreux artistes parfumeurs, qui, à l'instar d'Olivier Polge pour Chanel, l'utilisent pour apporter du caractère à leurs compositions.
Remarque pour les fans de parfums:
L'essence absolue de tubéreuse s'inscrit dans d'autres parfums de prestige, notamment en note de coeur, dans Poison de Dior (1985), ou en note de fond, dans Carnal Flower de Frédéric Malle (2005).
La reconnaissance du savoir-faire grassois par l'UNESCO
Pourquoi Grasse est la capitale mondiale du parfum
Depuis 2018, la culture à Grasse de la plante à parfum, la connaissance des matières premières naturelles et la transformation de celles-ci, ainsi que l'art de composer le parfum sont inscrits sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité, au titre des "savoir-faire liés au parfum en Pays de Grasse". Grasse est depuis considérée comme la capitale mondiale du parfum.
Le Musée International de la Parfumerie (MIP)
Notre voyage dans le temps à travers les rues de Grasse est terminé mais, alors que nous approchons du Musée International de la Parfumerie, c’est un autre qui se prépare .
La mission de ce musée contemporain unique au monde - établissement public, il faut le souligner - est avant tout conservatoire et éducative, non commerciale. Elle diffère en cela nettement des musées créés par les parfumeurs, dont l'objectif est, évidemment, avant tout lucratif.
Ici, le MIP souhaite présenter toute l'évolution et les progrès de la parfumerie à Grasse , en Europe, mais aussi ailleurs sur notre planète.
Nous nous réjouissons d’avance de découvrir ce musée mais, compte tenu de notre planning du jour, avant de débuter notre visite guidée, Michel et moi savons déjà que nous sortirons un peu frustrés, tant le contenu semble intéressant...
Allez, c’est parti pour une visite éclair !
Visite éclair d'un musée remarquable
Sans doute ne devait-il voir le jour qu´à Grasse ...
Découvrant la toute nouvelle scénographie, nous parcourons les multiples salles qui conduisent le visiteur d'un thème à l'autre, d'une époque à l'autre, d'un endroit du monde à l'autre. Ce musée m'apparaît comme un véritable trésor, tant les objets qu'il contient sont infiniment précieux.
Depuis la plus haute Antiquité jusqu'à nos jours, la parfumerie, en ce compris le savon, le maquillage et les cosmétiques, a donné naissance à de multiples objets, du plus simple au plus luxueux. Les voir exposés et valorisés en un seul lieu est selon moi, un privilège.
Je vous propose de découvrir, à travers quelques photos, des objets qui nous ont particulièrement marqués, soit par leur esthétisme, la qualité des matériaux, la finesse du travail pour l'époque ou encore par leur symbolique. Citons à titre d'exemples, le sublime nécessaire de voyage (évidemment) de Marie-Antoinette, les surprenantes boîtes en écorce de bergamote (un savoir-faire grassois) ou les flacons de parfum de l'Egypte ou de la Grèce anciennes...
Enfin, laissez votre esprit vagabonder devant les vitrines exposant tous les flacons de parfum. Vous serez étonné.e des pouvoirs de votre mémoire olfactive et des émotions que la vision de ces flacons engendre.
Ce qu'il faut retenir pour votre visite
Comme nous l'avions pressenti, ce fabuleux musée ne se visite pas en 1h30. Comptez une demi-journée pour profiter pleinement de ce qu'il peut vous offrir. Car, croyez-moi, le parfum est un sujet qui parle à la mémoire des hommes, quels qu'ils soient ...
Musée International de la Parfumerie, 2 Boulevard du Jeu de Ballon, 06130 Grasse, France
Les jardins du Musée International de la Parfumerie à Grasse
Ne vous attendez pas à découvrir d'immenses champs de fleurs, si vous venez à Grasse. La plupart des parcelles sont maintenant privées et confidentielles. « Les Fleurs d’Exception du Pays de Grasse », une association locale, tente cependant d'encourager de nouveaux agriculteurs à planter des fleurs emblématiques du territoire et de développer l'agrotourisme; ce, avec l'appui des collectivités locales.
Je sens votre déception, sans doute proche de la nôtre lorsque nous l'avons appris. C'est vrai que nous avons tous - ou presque - pris l'habitude de voir les champs de lavande affichés sur Instagram. Nous avons alors tendance à penser que toute culture de fleurs qui se respecte implique d'immenses étendues colorées, instagrammables à souhait, que d'aucuns visitent au mépris parfois - souvent - des fleurs elles-mêmes et du travail énorme réalisé par les cultivateurs de plantes à parfum.
Pour combler votre envie de décor de carte postale , je vous propose de visiter les jardins du MIP, qu'il ne faut certainement pas manquer.
Visite exclusive en compagnie de Christophe Mege, Chef jardinier
Fondé en 2007, le jardin du MIP se compose de deux parties séparées par un canal. La première partie utilise le vocabulaire des parfumeurs et propose un parcours axé sur des collections de notes olfactives ; la seconde se veut une reproduction de la campagne grassoise.
Chef jardinier depuis 2009, Christophe nous accueille; il nous invite ensuite à partir à l’aventure et à explorer le jardin en utilisant nos sens.
Dans la deuxième partie, nous découvrons un champ de jasmin, un autre de tubéreuses avec une vue magnifique sur les collines avoisinantes. Peut-on rester ? Oui, ici aussi, nous passerions des heures.
Avant de partir, nous profitons des compétences professionnelles de Christophe pour solutionner quelques soucis que nous pose notre propre jardin. Dont un essentiel : une invasion de pyrales du buis.
En l’occurrence, cette chenille qui nous avait épargnés jusque-là, s'est montrée nettement moins bienveillante l'année dernière. Avec plus d’une centaine de buis à défendre, c'est une véritable plaie.
Donc, pour tous les apprentis-jardiniers comme nous, voici le truc de Christophe, Chef jardinier au jardin du MIP, à Grasse : Bacylus thurigiensis en poudre tous les dix jours. Allez, on croise les doigts !
Pour avoir plus d’informations, cliquez ici.
Les Jardins du MIP, 979 Chemin des Gourettes, 06370 Mouans-Sartoux, France
Grasse, "The place to be" des parfumeurs de niche
Ceux qui ont l'habitude de me lire ou qui me connaissent savent à quel point j'apprécie ce qui sort de l'ordinaire, l'audace du hors-format, le personnalisé ... Alors, me parler de parfum de niche, c'est comme me montrer le soleil quand il pleut depuis un mois. Je suis super enthousiaste.
La parfumerie de niche correspond à la haute couture du parfum. Exclusive, sur mesure, contemporaine, véritable incubateur d'idées, cette haute parfumerie séduit de plus en plus une clientèle avide de sortir de la consommation de masse.
Grasse compte quatre parfumeurs indépendants, que l’on peut rencontrer dans leur boutique : Laurence Fanuel, Didier Gaglewski, Jessica September Buchanan et Olivier Durbano. Michel et moi avons eu la chance de rencontrer les deux premiers.
Alors, comment devenir un parfumeur créateur, un "nez" ? Comment devient-on parfumeur de niche ou parfumeur sur mesure à Grasse ? Mais surtout, pourquoi ? C'est à travers leur parcours personnel que je vous propose de répondre à ces questions.
Rencontre exclusive avec Laurence Fanuel
Un dimanche matin de septembre, en plein coeur du vieux Grasse...
Un immense sourire aux lèvres, les yeux brillants, Laurence Fanuel nous accueille dans son nouvel atelier et future galerie olfactive, L'atelier de Rosa Rose, encore en plein travaux. Au milieu de ses tableaux, dont l'univers n'est certainement pas sans rappeler celui de Tim Burton, l'artiste belge nous reçoit avec chaleur et simplicité.
Nous remarquons directement toutes les deux que, sans nous être évidemment concertées, nous avons assorti nos tenues. Mêmes couleurs, même esprit « jungle ». Ce n’est qu’un détail mais il est drôle - truc de filles - et cela suffit à donner le ton.
Le courant passe immédiatement.
Née à Jemappes en 1969 et docteur en biochimie de l’Université de Liège, parfumeuse indépendante, peintre et artiste multimédia, notre compatriote a l'esprit qui bouillonne et le verbe facile ; elle a aussi l’aisance de ceux que rien n'arrête et l'enthousiasme communicatif des passionnés. J'adore!
Nous descendons dans le futur laboratoire. Enfin, au moment où nous le visitons, il ne s'agit encore que de la cave d'une ancienne boulangerie, où les quinquagénaires du quartier se souviennent avoir jadis acheté leurs bonbons. Mais Laurence Fanuel n'en a cure ; elle se projette dans ses murs bientôt transformés, et nous avec elle.
Après avoir visité le premier étage - futur bureau et lieu de rencontre pour des clients privilégiés -, nous revenons au rez-de-chaussée. Là, alors qu'à l'extérieur la ville fait la grasse matinée, nous discutons de sciences, d'art et de philosophie ; de parcours de vie et de passion aussi. Pur plaisir, que nous prolongerons autour d'une table, puis toute l'après-midi.
Après un parcours professionnel de chercheuse et parfumeur senior dans une grande multinationale américaine, la créatrice s’est établie à Grasse, pour « être acteur d’un lieu et de sa vie et pas uniquement d’un compte en banque ». Le moins que l’on puisse dire est qu'elle a joint les actes à la parole : dossier UNESCO, enseignement , collaboration avec des musées, ... Je me demande un instant ce qu’elle n’a pas encore réalisé.
S´il y a, comme on s’en doute, peu d'élus en parfumerie, Laurence Fanuel estime que le secteur permet beaucoup de créativité, la créativité étant pour elle, la grande différence entre le marketing et l'art . Six cent matières en stock lui permettent par ailleurs de laisser libre cours à la sienne.
En outre, si la parfumerie est technique et exige une rigueur scientifique, elle permet aussi, selon elle, d'aller au-delà de la dimension olfactive et d'explorer, de façon expérientielle, d'autres dimensions, comme la psychologie du parfum, l'interaction entre l'être humain et la création.
Elle souligne qu'un parfumeur indépendant prend le temps de créer un produit de qualité, qui a du sens pour celui qui le crée comme pour celui pour qui il est créé.
Son processus de création personnel implique de comprendre le ressenti - les émotions - pour aboutir à un produit poétique et authentique. Elle travaille donc avec « l’empathie » et s’inspire à la fois de ce que veulent ses clients et de ce qui peut les rendre heureux. Elle « vise la cohérence. »
Laurence Fanuel interviendra le 25 avril prochain à Cannes, lors des conférences TEDx et parlera des parfums et de leur pouvoir. Elle prépare également un livre, dont je me réjouis d’avance de la sortie. À suivre absolument ...
Laurence Fanuel, Atelier de Rosa Rose, 1 rue des Fabreries, 06130 Grasse
Visite impromptue chez Didier Gaglewski
Il est presque treize heures lorsque nous arrivons par hasard devant la boutique de Didier Gaglewski. La porte est largement ouverte. Les flacons méticuleusement rangés sur une table au centre de la pièce semblent intéresser Michel. Quant à moi, je suis très curieuse de connaître le parcours du créateur. Nous entrons.
Dans la boutique, je ressens de suite une atmosphère particulière.
Au premier regard, tout semble en effet savamment ordonné et sobre : les murs de pierre rejointoyés en beige, le plafond blanc avec spots intégrés, le parquet en chêne blanchi, la table centrale recouverte d'une nappe crème sur laquelle s'alignent parfaitement quatorze créations ... Tout semble à sa place et rien ne paraît superflu.
Mais derrière cette rigueur et cette sobriété apparentes, je perçois autre chose. Mes yeux se posent alors sur les meubles anciens et sur les luminaires, dont le style toujours élégant est cependant plus ouvragé. J'approche du but.
Intéressons-nous au créateur lui-même...
C'est lors d'une formation en oenologie à Paris que Didier Gaglewski prend conscience de ses compétences olfactives. Un cancer lui donne ensuite l'impulsion salvatrice de mettre ses compétences et son talent au service de la parfumerie.
Et il y a un peu moins de vingt ans, une parfumeuse proche de la retraite lui ouvre les portes. "C’est elle qui m’a fait ce cadeau", dit-il.
Maintenant, il explore son côté créatif , s'en amuse et apprécie la dimension de partage que lui offre son métier.
Revenons à mes observations : un detail, dans la manière de s’exprimer du créateur m’a interpellée.
Mon regard se fixe maintenant sur les flacons, leurs étiquettes, les noms ... Tout prend sens. Cette rigueur cache un humour pince-sans-rire, une liberté que s’octroie le créateur à travers ses parfums .
Pour preuve : « Journaliste », un parfum raffiné et discret ; « Bal à l’ambassade », à l'esprit boudoir XVIIIème , romantique et séducteur ; le très masculin « Cambouis » ; le dernier né, « En chemin », un bain d'herbes sauvages et de Terre de Provence.
Parfums Gaglewski, 12 Rue de l'Oratoire, 06130 Grasse
Confiseries d'exception au Pays d'Audrey,
au Domaine du Mas de l'Olivine
Nous arrivons à Peymeinade, un hameau situé sur les hauteurs de Grasse, en milieu d'après-midi. Devant nous se dresse un joli mas provençal du XVIIIème, à la façade rose patinée par le temps. À l'avant, un bassin et un mûrier de Provence ajoutent au romantisme du lieu.
Nous sommes accueillis par Thierry et Audrey Bortolini, les propriétaires. Lui a reçu le domaine en héritage, est jardinier et a parcouru le monde; elle a le sang de quatre générations de cueilleurs dans les veines, est experte en développement durable et confiseuse autodidacte. Ensemble, ils ont créé le Domaine du Mas de l’Olivine, un lieu authentique où ils cultivent leurs propres fleurs à parfum, créent et produisent des gourmandises florales d'exception.
Dès les premiers instants de notre rencontre, le tempérament franc et totalement sans filtre de la propriétaire transparaît. Sa méfiance envers l’usage que nous pourrions faire des photos ou vidéos prises au domaine aussi. Pour la comprendre, il faut se rappeler que le monde de la parfumerie est loin d'un Pays de Bisounours. Il existe en effet une réalité autre et bien moins glamour qu'il ne faut pas oublier ...
Michel a trouvé un Bombyx, le "pollinisateur en chef des tubéreuses" . Thierry Bortolini est très heureux de pouvoir le conserver pour le montrer lors des ateliers.
Mais ce qui frappe immédiatement aussi, c’est l'attachement de Thierry et Audrey Bortolini pour leur terre et leur héritage culturel, leur volonté de donner un sens à leur travail, la fierté dans leur regard quand ils parlent de ce qu'ils ont accompli. Eux aussi sont passionnés, c'est une évidence et c'est beau.
Au XVIIIème siècle, le domaine produisait des olives et du jasmin à destination des savonneries. Lorsqu'en 1942, le grand-père du propriétaire actuel achète le domaine, il continue à produire du jasmin et ce, jusqu'en 1971. Puis le domaine est abandonné; il n'est cependant pas vendu.
Lorsque Thierry Bortolini le récupère il y a une vingtaine d'années, la nature a repris ses droits et les broussailles ont envahi les lieux. Souhaitant lui redonner sa fonction d'origine, il y réintègre des plantes à parfum, avec l'idée initiale de fournir les parfumeurs de Grasse.
"Au Pays d'Audrey", les gourmandises sont reines...
Mais l'envie de participer au processus créatif et de réaliser un produit fini prend finalement le dessus : Audrey Bortolini devient confiseuse. "Il y a des cris, des pleurs, des envies de tout casser", dit-elle , quand elle repense à l'élaboration de ses premières recettes. Maintenant, 'Il y a de la technique mais ça va au delà, c'est de l’amour qu'il y a dedans." Et je la crois.
A l'heure actuelle, huit plantes à parfum différentes sont cultivées sur le domaine : la violette, la rose de mai, le jasmin, la tubéreuse, la menthe, le bigaradier, l'iris et le lys. Les six premières sont transformées.
Le Domaine du Mas de l'Olivine se visite sur rendez-vous (uniquement!). C'est également un lieu de réception. Audrey Bortolini y organise également des ateliers participatifs et dans sa boutique, "Au Pays d'Audrey", à l'univers très girly, vous pouvez vous procurer ses créations, réalisées avec des matières premières d'exception.
Nous avons personnellement acheté du sirop de rose de mai - À ne surtout pas confondre avec le sirop de rose ordinaire qui s'achète partout ! Celui-ci est nettement plus délicat, plus subtil. - et du confit de tubéreuse - Unique et absolument délicieux ! Ces produits exclusifs ont conquis nos palais et celui de nos convives lors des fêtes de fin d'année, du plus jeune au plus âgé. Je vous les recommande donc tout particulièrement.
Quant à moi, je n'ai plus rien en stock et je repartirais bien à Grasse faire mon shopping ...
Au Pays d'Audrey, Mas de l'Olivine, 16 Chemin des Lazes, 06530 Peymeinade
Créer son propre parfum au Studio des fragrances
Comment jouer à l'apprenti-parfumeur chez Galimard
Parle-moi du parfum que tu crées et je te dirai qui tu es ...
J'aurais certainement pu choisir ce titre pour cette partie du reportage car rien n'est plus vrai : en analysant mon comportement et en observant l'attitude des participants autour de moi, j'ai pu remarquer à quel point le choix d'une odeur est instinctif. Il semble qu'un lien alchimique, charnel, nous attire vers des senteurs plutôt que d'autres.
Au Studio des fragrances de Galimard, le nez qui nous guide à travers notre création le confirme. Elle pourrait d'ailleurs clairement établir mon profil, comme celui de Michel, tellement les essences choisies et la manière dont nous les choisissons correspondent à notre personnalité. C'est incroyable et particulièrement drôle quand on s’en rend compte.
Si vous vous demandez comment se déroule cet atelier, je vous dévoile ici quelques moments-clés de notre expérience.
Astuce pour que le "jus" vous corresponde : Retournez les flacons pour ne pas voir les senteurs qu'ils contiennent, libérez vos sens et faites-vous confiance. Votre choix relève alors plus de l'instinct et, vous le constaterez rapidement, votre instinct vous réserve aussi quelques surprises...
Ah oui, j'oubliais, prenez beaucoup de plaisir à réaliser cette activité au Studio des fragrances Galimard, c'est réellement très amusant! Nous avons vraiment adoré .
Etape n°1 : Vous découvrez l'orgue qui vous est attribué. Le nombre de flacons exposés devant vous est impressionnant.
Etape n°2 : En fonction de vos goûts et du parfum que vous portez habituellement, vous recevez cinq essences parmi lesquelles vous devez en sélectionner deux ou trois. Ce sont vos notes de fond, celles qui constituent la base même de votre futur parfum.
Ces senteurs sont les plus tenaces, restent sur la peau jusqu'à 24 heures après la vaporisation et peuvent parfumer un vêtement pendant des mois . Ce sont elles que la mémoire olfactive associe aux souvenirs.
Etape n°3 : Vous choisissez vos notes de coeur parmi une sélection beaucoup plus vaste de flacons contenant des essences compatibles avec vos notes de fond.
La note de coeur est plus volatile et se sent jusqu'à 4 heures après la vaporisation. Le choix devient plus délicat. Vous devez pour chaque flacon testé, l'associer avec votre note de fond et sélectionner cinq essences.
Etape n°4 : Vous choisissez vos notes de têtes. Ce sont les plus volatiles. Vous recevez une nouvelle sélection de flacons et devez également en choisir cinq. Ce choix est délicat. (Dans mon cas, certaines essences se sont rapidement imposées; il a d'ailleurs clairement permis d'équilibrer ma composition.)
Etape n°5 : Vous devez choisir un nom pour votre parfum. Bon, moi j'ai mis un temps fou à le trouver, comme si ma vie en dépendait et qu'il devait être commercialisé le lendemain ... (Ne riez pas!). Soyez juste vous-même, c'est votre parfum après tout!
Etape n°6 : Vous choisissez votre flacon et devez attendre deux semaines avant de connaître le résultat de votre composition. J'avoue, deux semaines, c'est long! Mon verdict : Le parfum composé manque de subtilité - Evidemment, en deux heures, pas de miracle! - pour que je le porte tel quel. Par contre, je l'aime beaucoup comme parfum d'intérieur; ma belle-mère aussi : il lui rappelle sa maman.
Je vous l'ai déjà dit : le parfum parle à la mémoire des hommes ...
Studio des fragrances Galimard, 5 Route de Pégomas, 06130 Grasse, France
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Sources
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